LIBRE ARBITRE, DETERMINISME ET PHILOSOPHIE DE L’ASTROLOGIE

 
par Gustave Lambert Brahy (1)

Si la croyance aux influences astrales ne débouche pas sur une religion ou une idolâtrie quelconque, elle aboutit néanmoins à l’élaboration d’une philosophie adéquate.

Nombreux et importants sont les problèmes que cette philosophie est appelée à résoudre ; il importe surtout de savoir si l’être humain est désespérément conditionné par son destin, ou si le libre-arbitre qu’il revendique est une réalité effective.

Accessoirement, cette philosophie devrait-elle aussi chercher à expliquer par quel mécanisme secret, ou par quelle astuce singulière, les événements peuvent être prévus dans leur succession et dans leur nature.

Essayons tout d’abord de nous faire une idée de ce qui échappe à nos sens et à notre raison, et qui rend par conséquent ce mécanisme incompréhensible pour nous.

Si intelligents que nous soyons ou que nous croyons être, nous devons convenir qu’il y a peut-être autour de nous, soit des êtres plus lucides que nous, soit de modes de perception auxquels nous restons fermé ; nos sens, nous le savons, ne perçoivent qu’une partie des choses, ou plus exactement ne les voient que d’une façon partielle et imparfaite ; notre cerveau n’embrasse pas non plus toute la gamme des idées concrètes, et surtout abstraites, qui peuvent être envisagées. Nous sommes probablement victimes d’une formation physique et intellectuelle qui nous empêche de réaliser certains états ou certains phénomènes.

Il suffit, pour le comprendre, d’imaginer dans quelle situation pourraient se trouver des êtres linéaires, condamnés à se propulser sur une même ligne ; ces êtres ne pourraient évidemment se dépasser et se trouveraient donc contraints à une progression à la queue leu leu, où l’être le plus lent obligerait les êtres plus rapides à adopter sa vitesse de croisière. Ces êtres ne pourraient forcément concevoir qu’une seule dimension.

Mais si ces mêmes êtres pouvaient se mouvoir dans un plan, c’est-à-dire dans une surface à deux dimensions, ils auraient déjà une possibilité de manœuvre plus grande, notamment celle de se dépasser mutuellement, de s’écarter les uns des autres, de voyager de front, etc.

Dans le monde des volumes à trois dimensions, ceux qui appartiennent à ce monde ont évidemment des possibilités autrement étendues encore que les êtres plats à une ou deux dimensions dont nous venons de parler. Du fait de pouvoir s’élever au-dessus d’un plan ou d’une ligne, ils disposent ainsi, par rapport à ces êtres, d’une vision de perspective qui leur permet d’apercevoir, ou de conjecturer, le but vers lequel ils tendent, et les obstacles éventuels qui les en séparent. Déjà ici, nous pouvons, par analogie, nous faire une idée de quelle façon, ou par quels moyens, des êtres appartenant à un monde à quatre dimensions sont en mesure de prévoir les événements qui nous attendent, et la chance ou la malchance qui en résultera pour nous. Dans pareille hypothèse, les influences astrales constitueraient le mécanisme, ou les repères dont nous pourrions nous servir pour conjecturer logiquement certains faits ; et ceci d’après l’expérience que la répétition des mêmes faits par rapports aux mêmes repères peut permettre d’échafauder. L’astrologie ne serait rien de plus que l’ensemble des réflexes conditionnés qu’un animal parvient à maîtriser intelligemment, parce qu’il a compris que c’est pour lui le seul moyen de satisfaire un instinct ou un besoin essentiel : celui de se nourrir, par exemple.

Ce raisonnement nous permet de mieux comprendre déjà cette phrase du savant Eddington : ‘’Les événements ne se produisent pas, ils sont en place, et nous les rencontrons inéluctablement suivant notre ligne d’univers’’.

Imaginons en effet un être, même un être humain, se déplaçant en avion ou dans un hélicoptère, et qui domine par conséquent toute une contrée, avec ses routes, ses croisements, ses accidents de terrain, etc. Il est parfaitement en mesure de déterminer les carrefours, les obstacles et les encombrements par lesquels devra inévitablement passer une caravane de voitures ; il peut même, en jugeant des possibilités de déplacement et de la vitesse approximative de celle-ci, arriver à déterminer à quel moment tel ou tel incident doit fatalement se produire. Ces véhicules se déplacent en effet un peu à la façon des êtres plats dont nous parlions plus haut ; et ce n’est guère qu’aux croisements de deux ou plusieurs routes qu’il leur sera possible d’échapper à cette contrainte ; quittes, peut-être, à constater que, pour échapper à Charybde, ils sont tombés en Scylla.

Imaginons encore à quelle insuffisance de perception obéit un insecte se déplaçant en cercle, et qui croit sans doute avancer dans la même direction alors qu’il doit fatalement revenir à son point de départ. Ou encore le désarroi du même insecte se heurtant tout à coup à une ligne ou à un plan perpendiculaire, à celui sur lequel il cherche à progresser. Ou bien encore le même insecte assistant dans son plan au passage à travers ce plan d’un solide quelconque, un cône par exemple ; il verra le vide se creuser et grandir devant lui, et à travers ce vide, surgir un plan venu il ne sait d’où, et dont il ne pourra vraisemblablement pas concevoir la forme exacte, ni l’étendue. Pour cet insecte, il s’agira là assurément d’une catastrophe dépassant sa compréhension. Ne peut-on imaginer quelque chose de semblable surgissant dans notre univers, et susceptible de nous déconcerter aussi totalement que l’insecte en question ?

Poussons encore davantage notre tentative de compréhension ; imaginons un être plat se mouvant dans son plan, et qui aborde à certain moment un autre plan contigu ou tangent au sien ; poursuivant sa lancée, il quitte alors sans s’en rendre compte son propre plan pour le plan adjacent ; n’est-ce pas pour lui un changement total de milieu ? Et sans qu’il puisse en discerner la cause ; car cette cause n’est perceptible que pour un être à trois dimensions.

Mieux encore, imaginons que notre être plat, ou notre insecte, se meut à la surface extérieure d’un sac en caoutchouc ; par une astuce diabolique qui n’appartient qu’à l’être humain, nous retournons ce sac sur lui-même et, du coup, voilà notre sujet transféré de l’extérieur à l’intérieur du sac, avec tous les inconvénients qui peuvent en résulter pour lui. Il lui semble sans doute passer inexplicablement de la lumière à l’ombre, de la liberté à la limitation. En astrologie, nous verrions là un effet de douzième Maison ; et, pas plus que l’insecte ou l’être plat, nous ne pouvons concevoir ce retournement de situation au sens littéral du mot. C’est là un effet de fatalité pure, dont les raisons nous échappent, tout au moins au premier moment.

Ce ’’retournement’’ du sac dont nous venons d’imaginer l’exemple est compréhensible pour nous parce que nous en saisissons parfaitement le mécanisme ; mais ne pouvons-nous imaginer que, par le truchement d’un monde à quatre dimensions, nous nous trouvions mêlés à un monde tout différent du nôtre, et dont le relief ou la constitution permet des effets de perspective analogues à ceux que nous avions imaginés dans notre exemple d’un individu survolant en hélicoptère une contrée grouillante d’activité ? Nous aurions là la clef, ou tout au moins une tentative d’explication des possibilités d’exploration du futur que permet l’astrologie, et sans doute aussi la voyance !

Mais que deviennent alors le libre arbitre et le déterminisme dans cette compréhension du problème ?

Pietro Ubaldi, dans son livre ‘’La Grande Synthèse’’, écrit ce qui suit : ‘’Le libre arbitre n’est pas un facteur constant et absolu comme l’enseignent vos philosophies, en conflit insoluble avec le déterminisme des lois de la vie, mais un fait progressif et relatif au niveau différent que chacun a atteint’’. On peut méditer utilement sur cette pensée.

Si vraiment la vie a un but, par exemple celui de nous améliorer sans cesse, et si ce but est contrôlé par des lois ou des forces quelconques, nous pouvons trouver un exemple qui nous fera comprendre la part de déterminisme et du libre arbitre dans notre destinée.

Nous touchons évidemment ici à un point névralgique de la personnalité humaine. L’homme a en effet pris l’habitude de se considérer comme le roi de la création et, par conséquent, l’idée qu’il pourrait être dominé ou guidé par des êtres supérieurs à lui, ou même par des forces aveugles, lui est désagréable, pénible même, et choque son orgueil.

Pourtant le dilemme est inéluctable : ou bien les influences astrales existent et contraignent l’homme à se plier à une destinée définie à l’avance, en grande partie tout au moins ; ou bien ces influences n’existent pas, et alors, puisqu’il n’y a plus de grade-fou à la folie humaine, l’individu est libre de suivre ses instincts, même les plus pervers. Mais ceci aboutit à la négation, non seulement de toute fraternité humaine, mais même de toute organisation sociale, donc à l’anarchie. C’est d’ailleurs ce que l’on constate aujourd’hui où, par le jeu de la démagogie, on enseigne aux citoyens qu’ils ont tous les droits, mais en se gardant bien de leur dire qu’en échange de ces droits ils ont aussi des responsabilités et des devoirs. L’histoire enseigne d’ailleurs que les civilisations qui nous ont laissé un héritage prestigieux furent celles où une idée philosophique ou religieuse dirigea les réflexes, les actes et les buts de tous les citoyens, donnant ainsi l’exemple d’un corps social uni et cohérent, aux rouages parfaitement coordonnés.

Puisque, par définition, nous sommes de ceux qui croient aux influences astrales, il nous faut bien reprendre l’hypothèse évoquée plus haut, à savoir que ces influences tendent à guider l’individu vers une évolution plus haute, et plus consciente encore, que celle à laquelle il se trouve parvenu.

Est-il tellement surprenant de soutenir que l’homme n’accumule de l’expérience, donc de l’intelligence et de la sagesse, que par le jeu des événements, heureux ou pénibles, qu’il subit au cours de son existence ? Un peu à la façon du disant brut qui n’acquiert son brillant et tout son éclat que par des meulages successifs. C’est évidemment là une conception assez différente de celle, assez en vogue, qui consiste à prétendre que le but de la vie est de jouir et de s’assurer le maximum de bien-être matériel. Hélas, au moment de mourir, on n’emporte rien des ces biens matériels et, seuls, les héritiers en profitent ; on ne voit donc pas la sagesse de pareille conception.

Reprenons donc l’idée dont nous avons parlé plus haut, et qui est destinée, dans notre esprit, à mieux faire comprendre le jeu du déterminisme et du libre arbitre dans notre destinée.

Supposons que, comme gardien, ou par souci de compagnie, nous achetons un chien. Il est bien évident que, si ce chien n’est pas dressé, au moins dans une certaine mesure, il va prendre des habitudes d’indépendance qui nous irriteront ou nous perturberont ; il faut donc inculquer un comportement qui courre^ponde au but que nous avions en achetant ce chien. Ce dressage peut se faire, soit en inspirant la crainte, par la menace donc, soit en faisant appel à ce que l’animal peut avoir d’intelligence ou d’esprit de compréhension. De toute façon, il a a là pour le chien quelque chose de pénible. Mais il est clair que, au fur et à mesure qu’il en viendra à répondre à nos propres désirs, nous allons relâcher notre sévérité ; de sorte que le chien finira par avoir conquis une semi-liberté, tout en ayant appris que cette indépendance reste néanmoins conditionnée par les vues de son maître.

Transposons cet exemple, en plaçant l’homme à la place du chien, et les influences astrales – à défaut de pouvoir les personnaliser davantage – à la place du maître ; et nous aurons ainsi une idée de la façon dont le déterminisme, c’est-à-dire le dressage, peut se combiner avec l’exercice de l’indépendance bien comprise, c’est-à-dire le libre arbitre.

Nous pouvons encore concevoir cette imbrication du libre arbitre et du déterminisme d’une autre façon. Notre univers est évidemment soumis à toutes sortes de forces, dont l’action est connue et s’exerce de façon implacable : la pesanteur, la force explosive des gaz, par exemple. Lorsque nous nous heurtons de façon aveugle à ces force, nous prenons la mesure du déterminisme terrestre ; par contre, lorsque nous cherchons à éviter d’être la victime de ces forces, nous utilisons notre libre arbitre. Autrement dit, il n’est pas inévitable que nous recevions sur le pied une pierre qui risque de nous rendre infirme ; il suffit que, ayant compris le jeu déterministe de la pesanteur, nous cherchions à nous écarter de sa trajectoire. De même, l’utilisation du gaz d’éclairage ou de chauffage n’implique pas que nous devions subir les effets d’une explosion quelconque ; il suffit de savoir dominer la force explosive de ce gaz pour n’en connaître que les côtés bénéfiques.

On pourrait encore disserter longuement sur cette lancinante question du déterminisme et de la liberté humaine ; mais une chose nous paraît évidente : c’est que l’exercice du libre arbitre implique forcément un effort de volonté accompagné d’un acte d’intelligence. Toute autre conception du libre arbitre dérive de la licence pure et ne peut conduire qu’au désordre.

Le marin qui, sur son navire, parvient à guider celui-ci vers sa destination, quelle que soit la direction et la violence des vents, ne fait pas autre chose. Il est le symbole même du libre arbitre. Il sait, en effet, que s’il s’abandonne aux courants, par négligence ou par paresse, il est condamner à errer sans but sur les mers et, sans doute, à y sombrer quelque jour, lamentablement.

(1) Extraits du livre ‘’Pour mieux comprendre l’Astrologie’’ de Gustave Lambert Brahy aux Editions La Roue Céleste – Dervy Livres.

Sélection faites par Gemini avec l’autorisation de l’auteur.

Article paru dans la Revue Microcosmos n° 8 – Octobre 1986

 

 

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